En attendant de voir un médecin

Les 48 heures après l’impact sont cruciales. Le mot-clé? Repos, physique et mental.

Si vous faites les bonnes choses pendant cette période, vous récupérerez considérablement plus vite.

Pendant les 48 heures suivant un impact à la tête :

    • arrêtez l’activité physique
    • limitez les stimulations auditives et visuelles
      portez des bouchons et des lunettes fumées si nécessaire, préférez les endroits calmes aux endroits bruyants
    • limitez votre exposition aux écrans (télévision, ordinateur, téléphone)
      si vous avez à contacter quelqu’un, appelez-le au lieu de lui écrire
    • évitez de vous concentrer longtemps
      évitez de lire ou de faire vos devoirs
    • relaxez
      fermez les yeux, faites des exercices de relaxation en respirant profondément
  • hydratez-vous
  • assurez-vous que quelqu’un vous tienne compagnie

 

Mardi matin, 10 heures, je reçois un texto d’un boxeur amateur :

Ariane, finalement je pense que je vais appeler ton médecin, je voulais juste savoir si ça en vaut la peine pour pas le déranger pour rien… Je sais pas si après mon combat je me sentais weird parce que je trouvais ma performance pas à mon goût ou si je me sentais sonné… Pourtant, j’ai déjà reçu des coups beaucoup plus forts que ceux de vendredi! Cette fin de semaine, les maux de tête ont recommencé et j’ai eu des bulles d’agressivité complètement pour rien.

[…]

Le comment je me sens? Ce serait dur à décrire lol Le meilleur qualificatif serait « weird » lol Petit mal de tête, un peu étourdi, des émotions up and down. Aujourd’hui, c’est plus la tristesse, et 2 minutes après je suis ok et de bonne humeur.

 

C’est possible de faire une longue carrière en boxe, de compétitionner à un haut niveau et de garder toute sa tête. Mais, pour ça, il faut absolument savoir reconnaître les symptômes qui peuvent mener à une commotion et se reposer immédiatement lorsqu’on les ressent – pas dans 3 jours, ni après la prochaine compétition. Bref, vous devez donner du repos à votre cerveau comme vous en donnez à vos muscles après un entraînement exigeant.

Connaissez-vous tous les symptômes?

Les symptômes varient évidemment d’une personne à une autre, et varient aussi d’une commotion à une autre pour une même personne. À moins d’être (vraiment!) malchanceux, vous ne les aurez pas tous.

Les maux de tête, les vomissements et les troubles de vision sont faciles à identifier, mais d’autres symptômes sont plus subtils : sentiment d’être au ralenti ou dans le brouillard, nervosité, sautes d’humeur, pression dans la tête, baisse d’énergie… Si vous n’y portez pas attention, ils peuvent facilement passer incognito, car vous les attribuez à autre chose (#findesession #travailgymdodotravailgymdodo #enmodechampionnatcanadien).

Témoignage d’une championne provinciale

J’ai pas vraiment mal à la tête, c’est plus comme une pression qui est toujours là, ça fait plus qu’une semaine. En plus, je comprends pas pourquoi, mais je suis vraiment émotive pour rien. Je suis en mi-session et, avec la compé qui s’en vient, je m’entraîne beaucoup, alors c’est sûr que je suis fatiguée… donc je sais pas vraiment si c’est ça.

 

Oui, c’est ça.

Dans le doute, reposez-vous 48 heures, puis recommencez l’activité physique progressivement. Si les symptômes réapparaissent à l’entraînement, c’est que vous avez encore besoin de repos. Et, si plusieurs périodes de repos sont nécessaires, recommencez chaque fois avec un exercice de faible intensité.

Exemples :

  • Je fais du shadow et ça me ramène des étourdissements : j’arrête, je reprends du repos.
  • Je fais du jogging léger (plutôt que des sprints) et je me sens bien : la prochaine fois, je peux augmenter l’intensité.

Ne vous laissez pas convaincre par votre « petite voix » ou quelqu’un qui vous dirait « c’est normal d’avoir mal à la tête ». C’est fréquent en boxe, oui, mais ce n’est pas normal.

À long terme, ce sera toujours plus avantageux de « gaspiller » 48 heures sans entraînement que de compromettre votre santé à vie. Si vous ne prenez pas le repos nécessaire quand votre cerveau l’exige, votre corps vous obligera peut-être à vous arrêter plus longtemps que 48  heures…

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Moi, c’est toujours pareil quand j’ai fait mes commo, c’est les mêmes étapes : je finis mon combat, souvent ça feel bien, je suis comme un peu dans les nuages, je sais pas si c’est la fatigue ou vraiment une shot, mais je suis fatigué.

Les premiers symptômes arrivaient tout le temps 20 minutes après. Dans mon cas, c’était ma vision… comme des flash de photos, avec des spots blancs. À la fin, j’en avais tellement fait [de commotions] que je savais que ça commençait. Entre 5 et 20 minutes après les flashs, le mal de tête commençait avec le mal de cœur. Mes yeux forçaient, j’étais pas capable de les garder ouverts. Je pouvais rien faire… juste ça, ça me tirait tout mon jus. J’allais me fermer les yeux dans la chambre d’hôtel pour essayer de dormir. Je passais une partie de la nuit réveillé, ça me prenait vraiment du temps à m’endormir.

Le lendemain, je me sentais comme si j’avais la tête full fragile, comme si j’avais la tête en coquille d’œuf. Le moindre petit choc si je tournais la tête trop vite, ça faisait mal. Pas des étourdissements en tant que tels, mais plus un mal de tête qui s’intensifiait. Je me promenais comme si j’avais un verre d’eau sur la tête et que je devais bouger vraiment lentement pour pas qu’il renverse, parce que chaque mouvement brusque me faisait vraiment mal. J’avais encore des problèmes de vision, mais pas mal au cœur.

Ça m’est toujours arrivé en combat, jamais en sparring. Pour moi, c’était comme normal [de faire des commotions en combat]. Vers la fin, le médecin de l’équipe nationale me faisait un suivi par téléphone, mais si j’avais une compétition 1 mois après, ben j’y allais.

À toutes les fois que t’en fais une, c’est vraiment vrai que tu te fragilises. Ça prend pas grand-chose à la fin. La dernière compétition que j’ai faite, j’ai fait 2 combats. Je les ai regardés, et j’essaie encore de trouver la shot qui m’a fait ça. J’ai jamais eu les jambes molles, j’ai pas mangé de grosse shot non plus.

Vers la fin, je le voyais que ça m’en prenait de moins en moins pour avoir les mêmes symptômes.

 

Peut-on dormir après un coup à la tête?

Pas dans les 2 premières heures suivant l’impact. Il faut aussi surveiller l’athlète étroitement pendant ces 2 heures. « Si une personne développe une très forte somnolence dans les heures qui suivent un traumatisme à la tête et n’est pas « réveillable », il faut appeler le 911 et l’emmener tout de suite à l’urgence », explique le Dr Hugo Hébert, qui travaille auprès d’athlètes d’équipes nationales, dont ceux de Boxe-Canada. « La survenue d’un saignement intracrânien après un combat de boxe est rare, mais ça arrive, même chez les boxeurs amateurs. Il y a encore eu 2 morts l’an passé au Royaume-Uni », ajoute-t-il.

De plus, l’athlète ne doit pas rester seul et doit se rendre immédiatement à l’hôpital dans les cas suivants :

  • Mal de tête qui s’aggrave
  • Forte somnolence ou impossibilité d’être réveillé (par quelqu’un)
  • Incapacité de reconnaître des personnes ou des lieux
  • Vomissements répétés
  • Comportement inhabituel, confusion manifeste et grande irritabilité
  • Crise ou convulsions (bras et jambes s’agitant de façon incontrôlée)
  • Faiblesse ou engourdissement des bras ou des jambes
  • Instabilité en position debout, élocution pâteuse

Contrairement à ce qu’on pensait avant, l’athlète peut dormir après 2 heures s’il ne présente aucun de ces symptômes inhabituels, et c’est même bon de le faire, car le sommeil contribue à la récupération.

Si on doute de son état, on peut le laisser dormir (après 2 heures toujours), mais le réveiller une fois qu’il a dormi 1 heure pour lui poser quelques questions et vérifier son état de conscience et ses réactions.

Il faut également éviter l’Advil et l’ibuprofène ainsi que les médicaments non prescrits qui causeraient de la somnolence. Quant au Tylenol, il est permis pour le mal de tête.

Le mal de tête ne devrait pas durer plus de 3 jours. Dans ce cas, il faut consulter tout de suite un médecin.

Faire un baseline, c’est la base!

Grosso modo, le baseline (« ligne de base ») est une série d’évaluation et d’examens qui indiquent comment votre corps et votre cerveau répondent, et comment vous vous sentez « à l’état normal ». Tout athlète devrait consulter son physiothérapeute ou son médecin pour en passer en début d’année.

À quoi ça sert?

« Si un athlète qui pense avoir fait une commotion vient me voir sans baseline, me dit ne plus avoir de symptômes et me demande « Est-ce que je suis guéri? », je ne peux jamais être sûr que sa commotion est terminée, puisque je n’ai pas de comparatif », explique Dr Hébert.

Par contre, avec un baseline, votre médecin sera mieux outillé pour diagnostiquer la commotion, car il aura des informations avant-après sur votre état. Et, surtout – la partie qui nous intéresse! –, il pourra vous indiquer la marche à suivre afin que vous récupériez efficacement et retourniez à la compétition lorsque vous serez parfaitement rétabli.

Plusieurs thérapeutes sportifs, physiothérapeutes et bien sûr les médecins sont qualifiés pour remplir ces tests. Le SCAT3 est le plus populaire à l’échelle mondiale, entre autres parce qu’il est gratuit.

Témoignage d’un boxeur professionnel actif

Quand j’ai fait ma commotion, c’est un coup en arrière de la tête que j’ai reçu. J’ai mis un genou par terre, j’ai reçu un autre coup et l’arbitre a arrêté le combat. J’ai pas eu de gros knock-out.

Avant cette compétition-là, y’a eu 2 sparrings où j’avais eu un flash et j’avais fait un pas de côté… tsé quand tu manges un gros coup et c’est comme si tu manquais une marche. Ça datait de 2 mois et demi avant, et l’autre, d’environ 1 mois. Pendant 2 jours après ces sparrings-là, j’étais tendu du cou et j’avais la mâchoire tight. J’étais pas capable de faire mes angles morts en conduisant.

Même après la compé, j’me disais pas vraiment que j’avais des symptômes de commotion. Je pensais que j’avais mal à cause d’une vieille blessure au cou et parce que j’avais reçu un coup en arrière de la tête. J’ai pris une semaine de repos, comme d’habitude après chaque compé, et c’est quand on a recommencé l’entraînement que mon coach a pensé que j’avais peut-être une commotion. J’avais de la misère à pousser. Quand c’était though, par exemple quand c’était cardio ou quand je faisais des gros entraînements de muscu, je devenais un peu étourdi. C’est là que mon coach a fait les démarches pour voir si tout était ok.

Au début de l’année avec l’équipe nationale, on avait fait un baseline [une série de tests]. Quand je les ai refaits [les tests], y’avait 2 mouvements où j’étais moins stable un peu. Après, mon docteur m’a fait voir un neurologue.

On a quasiment attendu 2 mois avant de refaire du sparring. On a pris le temps de voir comment je réagissais à l’entraînement. Quand on s’entraînait et que j’avais pas de symptômes, on poussait un peu plus. Après, on a recommencé les sparrings graduellement. Mon coach a fait une grosse job là-dedans. Il me posait beaucoup de questions sur comment je me sentais et il suivait les indications du médecin.

Ça va faire 2 ans maintenant. Aujourd’hui j’me sens ben correct, ça va de mieux en mieux. La seule affaire c’est qu’au début, quand je mangeais un coup en arrière de la tête en sparring, on dirait que je portais attention, mais à la longue c’est passé. Ça va mieux, oui, mais il faut faire attention aussi… moi, je bois pas du tout d’alcool. Mes excès c’est dans les gâteaux Vachon! 😉 Par contre, avant je faisais des grosses déshydratations, c’est peut-être ça [qui a nui].

 

symptômes à l'entraînement bandages

Déshydratation + coups + alcool = dommage au cerveau

Se déshydrater rend le cerveau plus fragile. Se déshydrater pour faire le poids, prendre des coups, puis boire de l’alcool (c’est-à-dire se déshydrater encore plus!) est loin d’être un scénario souhaitable pour votre coco! Pourtant, c’est ce que font plusieurs athlètes, pour célébrer la victoire ou pour noyer la défaite. Autant que possible, restez hydraté avant, pendant et après l’effort, que ce soit à l’entraînement ou en combat. Célébrez plutôt avec des frites, du gâteau et un bon Gatorade! 😉

Témoignage d’une championne canadienne

J’ai fait 2 commotions identifiées par un médecin. La première fois, c’était en sparring, j’étais fatiguée mentalement, j’avais travaillé toute la journée, j’avais de la misère à être focus. J’ai reçu un crochet. J’ai eu mal, mais j’ai continué et, en sortant du ring j’avais l’oreille toute mauve, comme un bleu. Le soir même, j’ai commencé à avoir mal à la tête, j’me sentais un peu étourdie… J’avais comme l’impression d’être dans une autre dimension, c’était bizarre.

L’erreur que j’ai faite, c’est que le lendemain j’ai remis les gants parce que j’avais peur de dire à mon coach que j’avais mal à la tête. Le lendemain du 2e sparring, c’est là que ça m’a frappée le plus. Je marchais avec une amie dehors. Elle marchait vite, et mon corps voulait marcher vite aussi, mais mon cerveau arrivait pas à suivre. Je suis partie à pleurer, j’ai eu comme une crise de panique. La seule chose que je voulais c’était aller me coucher chez nous; marcher c’était trop exigeant.

Quand j’ai eu ma 2e commotion, c’était la même chose : j’étais en état de fatigue mentale… j’avais mis les gants avec des filles au gym. Ce qui était différent cette fois-là, c’est que les symptômes sont arrivés juste 2 jours après. Et là, j’ai commencé à ravoir les mêmes migraines au niveau de la nuque qui montaient jusqu’en haut de la tête. J’ai eu quelques nausées… c’était comme un hangover, mais sans avoir bu.

La différence avec cette commotion-là, c’est que je suis sortie dehors et le reflet du soleil sur la neige me donnait une migraine à mourir. J’ai eu la même crise de panique parce que j’arrivais pas à contrôler les migraines. Les jours qui ont suivi, je devais mettre des lunettes soleil parce que la lumière dehors m’agressait; le blanc de la neige était trop éclatant. Pas longtemps après, je suis allée magasiner… j’ai eu une autre crise de panique parce que ça me créait des migraines juste de voir les mixtes de couleurs avec les néons du magasin… ça m’étourdissait.

C’était plus rapide de récupérer la 2e fois que la 1ère [7 mois et ensuite 2 mois], mais la 2e fois j’ai gardé plus de séquelles… la 1ère fois, la sensibilité à la lumière et aux couleurs, c’était parti. Là j’ai gardé des symptômes, et ça fait 3 ans.

Maintenant, je ne mets plus jamais les gants 2 jours de suite. Et quand je mets les gants avec un gars, si je mange un coup qui me semble dangereux, je lui dis [à mon entraîneur] que j’arrête. Je n’me gêne plus de le faire.

Je le dis souvent aux gens au gym : quand t’es fatigué, fais du touch à la place, mets pas les gants. Même si t’as peur de paraître chialeux ou paresseux, au bout du compte, c’est ta santé.

 

Ressources en matière de commotions

À Montréal, pour les athlètes identifiés ExcellenceÉliteRelève et Espoir :Clinique médico-sportive de l’INS (au stade).

À Montréal, pour tous : Clinique médicale de l’Université de Montréal (CEPSUM). Prenez rendez-vous une fois que vous avez en main un billet de votre médecin de famille ou de votre physiothérapeute vous recommandant de voir un médecin sportif pour des symptômes de commotions. La consultation est gratuite avec votre carte d’assurance maladie.

Dans la région de Québec, pour les athlètes identifiés ExcellenceÉliteRelève et Espoir : communiquez avec Pascale Délisle, d’Excellence sportive Québec-Lévis : pdelisle@esql.ca ou +14186562316.

Dans la région de Québec pour tous : Cortex est une clinique privée qui se spécialise dans la prévention, la prise en charge et le traitement des commotions cérébrales.

À Sherbrooke, pour les athlètes identifiés ExcellenceÉliteRelève et Espoir :communiquez avec Émilie Roy, d’Excellence sportive Sherbrooke : emilie.roy@excellencesportive.com ou +18198212002 poste 323.

Info-Santé 811 (24 h sur 24, 7 jours sur 7)

Composer le 811 permet de joindre rapidement une infirmière en cas de problème de santé non urgent. Toutefois, en cas de problème grave ou de besoin urgent, il est important de composer le 911 ou de se rendre à l’urgence.

Avantages et désavantages des différentes ressources

Urgentologue (à l’hopital) ou dans une clinique sans rendez-vous : accès « immédiat » mais généralement pas de suivi.

Médecin de famille : Les délais d’accès sont variables, et les connaissances sur la commotion sont aussi variables d’un médecin à l’autre… Certains seront confortables avec la gestion des commotions, d’autres non. Heureusement il y a eu beaucoup de sensibilisation sur cette thématique dans les dernières années auprès de la communauté médicale… si bien que le niveau moyen de connaissances sur la commotion a clairement augmenté.

Médecin sportif : L’accès est variable… prévoyez 1 à 6 semaines en moyenne avant d’avoir un rendez-vous.

Neuropsychologue : à moins d’être un athlète d’équipe nationale, il en coûtera entre 650 $ et 800 $ pour une évaluation. L’accès est rapide toutefois… c’est au privé!

Kinésiologue avec surspécialisation en commotion : à moins d’être un athlète d’équipe nationale, il en coûtera entre 100 $ et 200 $ pour une évaluation. Accès rapide toutefois…c’est au privé!

À lire : Pourquoi le repos complet après une commotion cérébrale?

À entendre : Guillaume Latendresse explique à Paul Arcand comment les commotions ont changé sa vie

À voir : le documentaire After the Last Round (anglais)

 

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